Aux
temps bénis des vacances dans le Berry, j'étais petite fille de
Paris.
Dans
le hameau où demeuraient mes arrière grands-parents, les grands-
parents de ma Maman, mon Papa avait acheté, à la sortie du hameau
de Maimbray en direction de Cosne sur Loire, une vieille maison pour
y venir en villégiature, avec mes grands-parents, les parents de ma
Maman.
Cette
vieille maison fut un estaminet. On y venait à pied, à cheval ou en
voiture.
On
y venait pour boire un coup. Il paraît qu'on y venait également,
avant ou après avoir bu un canon, pour consommer tout autre chose.
Les chevaux attendaient leur maître attachés à des anneaux au mur,
car la patronne, paraît-il, était très avenante.
Il
semble d'ailleurs que d'autres belles personnes y faisaient quelques
passes.
Je
l'aimais bien cette vieille masure. Elle était un peu notre château
en Espagne. Elle donnait sur la route mais derrière, nous
avions une petite prairie pour y chasser les sauterelles, y faire des
galipettes et jouer à saute moutons.
Sur
le chemin bordé de haies sauvages qui longeait notre petit et
humble domaine,
nous
y cueillions des mûres que nous mangions sur le champ, et nous
rentrions à la maison, les lèvres et la langue toute bleues.
Un
jour ce fut décidé, notre
maison, cette presque
ruine sera « Le
Château ».
Outre le petit champ dans lequel nous jouions, se tenait une remise
qui abritait nos jeux les jours de mauvais temps ; nous
y faisons de la balançoire.
Entre
« Le Château » et notre aire de jeu en plein air se
dressait un puits duquel nous tirions l'eau indispensable à la vie
de tous les jours : eau à boire, celle pour préparer les repas
et pour faire notre toilette. En parlant de toilette, je me rappelle
des bains, enfin plutôt, des douches que nous prenions dans un tub
en zinc, la pomme de douche étant le renversement d'un broc d'eau,
par l'un de nos parents, de Mémé ou même de Pépé.
Lorsque
le temps le permettait, nous prenions les dîners dehors. Le soir, la
table était dressée sous une lampe qui attirait toutes sortes
d'insectes dont des moustiques. Le soir avant de nous coucher, mon
Papa passait dans la maison un coup de Flytox et le lendemain matin,
nous nous réveillions avec des moustiques morts dans nos lits et
quelques gravats tombés du plafond.
Il
y avait aussi les veillées au coin du feu qui crépitait gentiment
dans l'âtre de la grande cheminée, pour les soirées fraîches de
l'été autant que celles des vacances de Pâques. Je me rappelle
qu'un soir, mon Papa lisait le journal et quand soudainement mon
petit frère tomba dans la cheminée, il se précipita pour le
relever en passant les bras au travers des dernières nouvelles.
Pendant
que les grandes personnes s'affairaient à remettre le château en
état, le plus urgent fut de faire des cabinets dans le jardin. Ah !
Les cabinets du Château ! Comme ils étaient plus récents que
ceux de Marguerite et Patient, mes arrière grands-parents, il
semblaient plus modernes, presque plus luxueux. Ils étaient
construits en dur avec le toit en une seule pente et adossé à la
remise, et le must est qu'il y avait un couvercle de vieux sceau
hygiénique en émail blanc sur le trou de la planche ; c'était
tout de suite mieux ; il y avait moins de vilaines odeurs. Le
dévidoir de papier était un gros crochet en fil de fer dans lequel
les pages d'un bottin de téléphone étaient accrochées.
Je
disais donc que pendant que parents et grands-parents retapaient la
maison, nous,
les
enfants avions nos propres occupations.
Outre
la cueillettes des mûres le long des chemins, nous
allions voir nos arrière grands parents, Marguerite
et Patient, chez
qui notre cousine Nanou était également en vacances, plus on est,
plus on s'amuse ;
battre la campagne à
plusieurs, c'est mieux.
.
.
Pour
ce faire, nous nous
dirigions vers La
Petite Rivière
.
.
Sans doute pour des raisons de sécurité" la rambarde a été ajoutée, pas très chouette d'ailleurs. |
que nous longions un court moment et que nous
traversions sur une
passerelle métallique, où quand elle était presque à sec, nous la
passions à pied.
En
face un chemin
creux dans lequel
nous ne nous sommes jamais aventurés. En chemin, il n'était pas
rare que nous nous arrêtions dire bonjour chez une vielle tante,
toujours habillée de noir de la tête aux pieds. Elle
s'appelait Ernestine.
.
Nous
nous rendions souvent au
canal
voir les péniches passer l'écluse, quand
nous-mêmes
ne donnions pas un coup de main à l'éclusier pour la manœuvre
d'ouverture ou de fermeture du sas. Quand nous poursuivions notre
chemin, nous allions
baguenauder sur les grèves
de la Loire.
Certains
jours, nous accompagnions le vacher du village pour aller garder les
vaches sur les grèves, sur lesquelles nous nous piquions parfois les
jambes sur les chardons qui y poussaient.
Cela
m'amusait beaucoup car au passage du vacher devant chaque ferme, ces
bêtes à cornes, pas si bêtes que cela, sortaient des cours de
ferme pour former un beau troupeau sur le chemin ; le soir au
retour et sur le passage , elles rentraient d'elles mêmes dans leur
cour respective.
Les
jours de pluie, nous enfilions nos imperméables, nos bottes en
caoutchouc, et avec un chapeau sur la tête, nous allions à la
chasse aux escargot dans le petit chemin en face du Château, celui
qui menait à une source à laquelle nous allions chercher de l'eau
dans des brocs posés sur notre brouette à ridelles, Mon Pépé les
stockait dans un petit parc grillagé sous des planches et quand il y
en avait assez , il se mettait en cuisine dans la remise. Les
escargots dégorgeaient dans du gros sel pendant toute une nuit. Le
lendemain, il les lavait bien puis les faisait cuire sur un vieux
poêle à bois. Il, préparait son beurre aillé et persillé,
remettait les petites bêtes dans les coquilles et les farcissait
avec le beurre. Quel régal les bourgognes de Pépé !
Lors
de nos balades, nous passions à chaque fois devant chez le maréchal
ferrant, Nous regardions le ferrage des gros chevaux de trait utilisé
à ce moment là dans les campagnes, J'avais toujours peur quand le
maréchal ferrant posait le fer chaud sur le sabot du cheval
dégageant de la fumée, que la bête n'en souffre. Juste à côté
de cet endroit, il y avait la petite maison de Gabrielle, une petite
vieille, toute gentille qui faisait des jours entiers près de sa fenêtre, du rococo de
mercerie. Elle cousait sur de petits mais longs rubans de petites
fleurettes de couleur qu'elle formait avec d'autre petits rubans.
Nous
allions souvent aussi voir Marie, qui tenait l'épicerie et le café
du hameau.
Nous
y allions chercher du café que nous aimions bien moudre nous-mêmes
avec un énorme moulin à manivelle ; on
achetait également du poivre qu'elle passait dans un moulin
semblable à celui du café et l'odeur nous piquait le nez.
Nous y allions aussi pour y acheter toute autre chose. Quelques
corvées nous étaient destinées ; celles
d'aller chercher le lait et les œufs, soit chez Gisèle et Riri qui
avaient une grande ferme située dans le hameau, près du café de
Marie
ou chez Louisette qui en avait une plus petite située un peu plus
loin que « le Château », un
peu plus en campagne.
Nous
aimions aller chez Gicèle et Riri voir les veaux nouveaux-nés et je
me souviens d'avoir vu chez Louisette, un vétérinaire mettre son
bras dans le derrière d'une vache, à cause d'un problème de mise à
bas.
De
l'autre côté de la route, juste après le petit chemin qui menait à
la source, il y avait le lavoir. Un lavoir tout simple, non couvert,
juste une planche en une de ses rives. Nous y allions laver notre
linge sale en famille en portant draps et torchons dans une grande
lessiveuse posée sur notre brouette à ridelles. Cette brouette
avait beaucoup d'utilité. Pour fumer le petit potager de Pépé, qui
devait se composer de seulement quelques salades, nous partions avec
la brouette dans les chemins ramasser du crottin de cheval avec une pelle à cendres.
.
.
Le dimanche matin était consacré à la messe et nous nous rendions au village de Beaulieu pour y assister dans le bel intérieur de l'Eglise Saint Etienne. Je crois me rappeler que toute la famille s'y rendait à pied, à seulement un peu plus de deux kilomètres. Je me rappelle aussi que nous allions chez la famille du fils de l'ancien patron de mon arrière grand mère qui fut le médecin du village. Une famille simple et charmante, accueillante dans leur jolie maison « Les Tilleuls ».
.
Lorsque
nous autres, les enfants, voulions aller faire un tour au village,
nous y allions pedibus jambus ou nous faisions, quand l'occasion s'en
présentait, de la charrette stop. Nous passions devant une porcherie
qui laissait dégager une forte odeur de soue et de purin.
Chaque
quatorze juillet, le feu d'artifice était tiré au village sur les
bords du canal qui passe tant au village que près du hameau de
Maimbray.
Je
n'oublie pas les repas en famille, soit au Château, soit chez
Marguerite et Patient.
Les
dîners friture, petits poissons pêchés souvent par mes cousins
Yves et Gérard,
les
dîners œufs à la coque pour lesquels mon arrière Pépé était
avec plaisir de corvée pour faire les mouillettes. D'une grande
miche de pain, avec un couteau qui coupait bien et son handicap du
bras droit, il tirait des mouillette bien droites et bien calibrées. Je me souviens aussi des soupes au lait et à l'oseille et des petits chaussons fris à la viande de mon Tonton, le Papa de ma cousine Nanou.
Mon
arrière Mémé nous concoctait de délicieux civets
de lapin.
C'est au Château que nous faisions de presque
orgies d'escargots.
Notre
petite troupe se composait de ma sœur, de Sylviane, (son père
travaillait à l'écluse), de Nicole, la fille de Gisèle et Riri et
de ma cousine Nanou, Peut-être avons nous aussi chaperonné mon
petit frère, quand il fut un peu plus grand.
Ah !
Quelles étaient belles mes grandes vacances de petite parisienne,
dans la campagne berrichonne, ! A part les parties de pêche en
bord de Loire au cours desquelles je j'ennuyais à mourir, je n'ai que de bons souvenirs de ce temps béni des
grands vacances dans le Berry.
Pour
nous y rendre : voyage
en train
Note
1 : Ma cousine Nanou est intervenue quelque peu sur ce texte,
surtout
pour corriger mes fautes d’inattention,
que
je ne voyais même pas en me relisant.
Je
lui avais soumis ce texte pour qu'elle me dise ce qu'elle en
pensait ;
elle
m'a dit s'être replongée dans ses vacances.
Note
2 : En 2010 et 2014 en juin, j'ai revu Nicole
***
06,2015
texte resté à l'état de brouillon.
texte resté à l'état de brouillon.
Quelle belle histoire,remplie de souvenirs d'enfance,on en a tous de semblables
RépondreSupprimermais tu as le don de raconter et les photos adéquates.Merci Claude et BISOUS
Coucou Claude.
RépondreSupprimerQuelle verve tu es intarissable.
Une maison où on passe et on repasse c'etait sans doute des lavandières !!!
Notre guide cette année qui avait beaucoup d'humour disait.
La femme légitime c'est une cathédrale, les amourettes de passages sont des petites chapelles.
Et aussi, épouser plusieurs femmes et de la polygamie en avoir une seule c'est de la monotonie...
A + :o)
Des souvenirs attendrissants ou amusants, qui rejoignent certains des miens. Le vétérinaire enfonçant son bras dans le vagin de la vache, c'est une image qui marque l'esprit d'un enfant citadin et qui reste profondément gravée dans sa mémoire ! J'ai donc vu exactement la même chose que toi (mais en Meuse) dans l'étable de nos cousins, dont la maison était mitoyenne de celle de mes oncle et tante maternels.
RépondreSupprimerJ'adore le coup de Flytox qui fait tomber les moustiques et des gravats du plafond ;-))
En plus du Fly-Tox (avec un réservoir plutôt rouge, dans mon souvenir...) il me semble avoir connu aussi le Néocide.
Comme c'est loin, tout ça !
Bises et à bientôt, j'espère...
Oui intarissable ...et c'est bien agréable de te lire, on se laisse emporter dans ton récit.
RépondreSupprimerLes souvenirs sont si doux parfois !!
A bientôt, bisous
Cath.
Oui intarissable ...et c'est bien agréable de te lire, on se laisse emporter dans ton récit.
RépondreSupprimerLes souvenirs sont si doux parfois !!
A bientôt, bisous
Cath.
Bien agréable à lire ces souvenirs qui réveillent aussi les miens.
RépondreSupprimerBien agréable à lire ces souvenirs qui réveillent aussi les miens.
RépondreSupprimerBonjour Claude, oh !! la belle maison de ton enfance. Son histoire est touchante et sent bon le terroir et l'attachement familial . Un havre de paix , un véritable château en Espagne au parfum de madeleine de Proust.
RépondreSupprimerUn texte merveilleux sur l'enfance et ses joies inégalables.
RépondreSupprimerQuelles belles vacances actives pour une petite "citadine" !
Chère Claude,
RépondreSupprimerje suis si émue de lire tes beaux souvenirs si généreusement racontés avec tant de bonheur dans l'âme, tant et tant que j'avais l'impression de m'y retrouver, savourant en même temps que toi ce bonheur...
@ Nanou La Terre
RépondreSupprimerMerci de ton passage et pour cette longue lecture.
Voici un bouquet de souvenirs bien émouvants et conté de belle façon. Merci
RépondreSupprimerBel été à toi en toute amitié..
Roger
Merci de ton passage Chemin des Grands Jardins.
RépondreSupprimerComplètement par hasard je suis arrivée sur ton texte. Il a réveillé en moi les souvenirs de la petite parisienne qui passe ses vacances à la campagne. Ce fut mon cas, pendant de nombreuses années, j'allais passer mes vacances à Chartres chez ma grand mère, ma tante. Et c'était comme pour toi, une découverte de la nature, des animaux, de la liberté aussi. Nous qui étions sous haute surveillance à Paris, à cause des dangers de la ville, nous étions livrées à nous mêmes dans cette campagne.
RépondreSupprimerMerci Catherine d'être passée sur ce blog sur lequel j'ai écris un texte sur
RépondreSupprimerParis.
Je ne rappelle que nous étions sous haure surveillance à Paris, nous allions tout seuls soit à la gare Montparnasse dont j'ai parlé quand tu as parlé de la soeurette de la Tour Eiffel et seuls aussi au jardin du Luxembourg.
Oui mais tu devais être un peu grandette ! Des enfants de moins de 10 ans sont livrés à eux-mêmes dans les petites villes de province. A Paris, je ne me verrais pas dire à un enfants de 8 ans, mettons, " on se retrouve à la tour Eiffel " ! C'est un peu compliqué les changements de métro, les distances, et les bus qui quelques fois arrêtent leur course en plein milieu de la ligne.... Ce sont tous ces impondérables qui font de la grande ville un piège.
RépondreSupprimerJe comprends Catherine mais nous de la Rue CP nous allions à pince à la gare et au jardin du sénat. Je devais avoir 8 ou 10 ans mais ma frangine et ma cousine Nanou ont trois ans de plus que moi. Bien évidemment après on été plus vieilles.
RépondreSupprimerDe beaux et touchants souvenirs...
RépondreSupprimerDe beaux et touchants souvenirs...
RépondreSupprimerOui Jerry, ils ont zait plaisir à ma Maman et à ma cousine Nanou.
RépondreSupprimerun texte bien agréable ,belle journée
RépondreSupprimerL'admiration à votre beau monde.
RépondreSupprimerJe vous souhaite le meilleur.
Salutation et accolade.
Du Japon, ruma ❃
Je me suis régalée à lire tout ce que tu as écrit Claude. Tu as une belle plume. Meilleures pensées amicales. Bisous d'Australie.
RépondreSupprimer