Marie-Sidonie
est un joli brin de fille. De beaux et longs cheveux blonds comme les
blés, les yeux bleus comme un ciel d'été et les lèvres rouges
comme le rouge d'un coquelicot. Marie-Sidonie n'aime pas beaucoup son
prénom, elle préfère qu'on l'appelle Sissi ou bien encore Sido. En
cette journée de début juin, il fait beau, c'est de bon augure
pour la semaine qui va suivre, pourvu que le beau temps perdure, elle doit
se lier devant Dieu et les Hommes au beau Jonathan, avec qui elle vit
en couple depuis trois ans, et qui est en voyage d'affaires en
Italie.
Elle est au
volant de sa petite Austin Mini pour aller chercher sa robe de
mariée qu'elle avait vue et essayée dans un magasin spécialisé "Aux Belles Noces". A
une intersection, elle voit arriver sur sa droite à toute allure
une voiture qui vient automatiquement de brûler le feu rouge, vu qu'elle
venait de passer au vert. Le choc est assez violent. Elle est
inconsciente, sa tête a heurté le montant gauche de sa portière.
Dans l'autre véhicule, le conducteur est inconscient également et
semble assez grièvement blessé.
Les secours arrivent. Sissi
et son adversaire sont transportés à l'hôpital.
Les parents de Sissi,
prévenus, grâce à leurs coordonnées dans le portable de leur
fille, arrivent à l'hôpital et attendent des nouvelles du service
médical quant à son état.
Sissi a
repris connaissance ; elle a un gros hématome au visage, souffre
du dos, mais rien de grave et a une fracture de la clavicule gauche.
Elle est au désespoir car son mariage tombe à l'eau.
– Mais, ma
Chérie, tu es en vie, c'est le plus important, un mariage ça peut se
reporter, lui dit sa
mère pour lui remonter un tant soit peu le moral. J'ai demandé des
nouvelles de l' autre personne, il paraît qu'il n'est pas en bon
état.
– Il est
ici ?
– Oui, sa
chambre est au bout du couloir.
– J'irai
lui dire deux mots demain à ce chauffard.
Le lendemain
matin, Sissi se regarde dans la glace, l'hématome qu'elle a au
visage, part de la tempe et lui prend la moitié de sa jolie frimousse, surtout
au niveau de l’œil gauche.
En fait,
elle va avoir un énorme et beau coquard ; elle est furieuse.
Dans la
matinée, elle va voir son tamponneur pour l'enguirlander.
Elle frappe
à la porte et entend une espèce de son, plutôt un râle
d'ailleurs, qui doit vouloir dire « entrez ».
Elle voit
sur le lit, une momie ; la jambe gauche est plâtrée et
suspendue en l'air, l'homme a la
tête et la poitrine bandées, et le bras droit en bandoulière. Il a
le peu du visage que Sissi peut voir, tuméfié de partout, on ne lui
voit plus les yeux.
Sissi
réfreine sa colère et dit :
– Bonjour !
Elle voit
les doigts de la main droite de la momie se lever, cela doit vouloir
dire la même chose.
– Dîtes
donc, vous vous être bien amoché ! Moi, vous venez de foutre
mon mariage à l'eau ; à part ça, j'ai la tête comme une
pastèque, le dos et une épaule en vrac. Comme je vois que vous
n'avez pas l'air d'aller ben fort, je reviendrai plus tard.
Le lendemain, le visage de
Sissi est gonflé et son coquard est impressionnant. Sinon, le reste
va mieux, le médecin lui dit qu'elle pourra sortir le jour d'après.
Le lendemain donc, elle
attend ses parents qui doivent venir la chercher ; il sont en
retard, certainement à cause de la circulation. Quand ils arrivent
enfin, elle leur dit :
– Attendez moi un
instant, j'ai une visite à faire.
Toc ! Toc ! Et
pour ne pas faire souffrir son tamponneur à répondre, elle entre.
La momie dort. Pas grave, se dit-elle, je reviendrai un de ces jours.
Jonathan a
bien évidemment été prévenu de l'affaire, mais malheureusement,
il n'a pu rentrer dans l'urgence, à cause de ses obligations
professionnelles, ce que Sissi a du mal à digérer. Les Parents de
Sissi ont tout annulé, l'Eglise et la Mairie. Que faire pour le
voyage de Noces à Rome, celui-ci est réservé et en partie payé ?
Quant à la salle de réception, elle est également annulée, et
pour cette dernière, elle ne sera libre ensuite que le premier
samedi de Septembre. Sissi peste.
– Tu te
rends compte Maman ! Je ne comptais pas me marier en Septembre !
– Mais ma
Chérie, des fois l'arrière saison est très belle et puis deux
mois, ce n'est pas la fin du monde.
– Ah !
Tu vois ça comme ça toi !
– Ecoute !
On attend deux-trois jours que tu ailles mieux et on ira chercher ta
robe de mariée.
– Tu
parles, ! Elle va se miter dans l'armoire d'ici le mois de
septembre ! Tu peux me prêter ta voiture ?
– Oui,
pour aller où ?
– A
l'hôpital.
Deux jours se sont passés,
la momie doit aller mieux, se dit Sissi.
Toc ! Toc !
Avec de la purée dans la
bouche, elle entend :
– Entrez !
– Bonjour !
Avant même de lui
demander de ses nouvelles sur un ton très coléreux :
– Vous avez vu comment
vous m'avez arrangé la tronche ! Et mon bras ! Je devais me
marier samedi et partir en voyage de Noces dans la foulée !
Les yeux de la momie sont
entrouverts ; il y a du progrès.
– Désolé.
– C'est tout ce que vous
trouvez à dire ! Je pense que vous savez que vous avez brûlé
un feu rouge ; faut mettre des lunettes mon vieux ! Et je parie que vous vous serviez de votre portable.
– Oui,
– C'est malin ça !
Je vous retiens, vous et votre bagnole !
De retour chez ses
parents, sa Mère lui dit :
– Tiens,
Jonathan a appelé ; il voulait savoir comment tu allais.
– Et tu
lui as dit quoi ?
– Que tu
allais pour le mieux, physiquement, mais que tu avais le moral à
zéro.
– Il
rentre toujours vendredi ?
– Ben
euh ! Non,
– Comment
ça, non !
– Il m' a
dit que comme de toute façon le mariage est reporté, il ne
rentrerai que Dimanche.
– Ben
voyons ! Alors lui, je le retiens aussi. J'ai failli me faire
tuer et Monsieur non seulement n'a pas accouru à mon chevet mais en plus il repousse
son retour . Elles ont beau dos les obligations professionnelles !
Le samedi,
elle décide d'aller voir l'homme qui vient de lui pourrir la vie.
Toc !
Toc !
– Une voix
claire lui dit d'entrer.
– Bonjour !
Ben dites moi, ça a l'air d'aller mieux !
Lui lance
Sissi sur un ton ironique.
– Bonjour !
C'est vite dit !
– Avec la
tête bandée et tout le reste, vous aviez l'air d'une momie.
Lui dit-elle
avec un sourire.
– Je suis
vraiment désolé,
– Ah !
Ben ça, vous pouvez l' être ! Mon
pauvre, vous avez une tête, on dirait Frankenstein.
– Je vous
remercie.
– Et il
s'appelle comment Frankenstein ?
– Antonin.
– Antonin le tamponneur
de ces Dames. Bon, je vous souhaite de vous rétablir au mieux et au
plus vite. Vous voyez, je suis bonne fille. Vous savez quand vous sortez ?
– Peut-être fin de
semaine prochaine.
– Bon courage ! Je
repasserai vous voir. Moi, c'est Sissi.
– Merci !
Le lendemain après midi,
Jonathan arrive d'Italie.
– Ma pauvre Chérie !
– Dis donc, tu aurais pu faire un effort pour rentrer d'urgence.
– Le boulot, Sissi, le
boulot !
– Si je comprends bien,
ton boulot passe avant moi, sympa ! J'ai failli me faire tuer et
toi tu t'en fous !
– Mais non, mais...
– Quoi, mais non
mais... !
– Tu n'as
pas non plus passer trente six coups de téléphone. Un seul en une
semaine...
– Je te
savais aux petits soins de tes parents.
– Bon,
écoute ! Tu vas à l'appart' et tu me laisses me reposer. En
plus, j'ai besoin d'y voir clair.
– Comment
ça ?
– J'ai
besoin de réfléchir, de faire le point, tu comprends ?
– Non, pas
tellement.
– Moi,
si !
Le lundi et le mardi passent et, Sissi retourne à l'hôpital. Elle ne sait
pourquoi l'homme qui a bousillé son mariage l'attire, peut-être à cause du mépris dont fait preuve Jonathan.
Toc !
Toc !
– Entrez !
– Bonjour !
– Bonjour !
– Alors,
comment ça va aujourd'hui ? La jambe, le bras, la poitrine, la
tête, alouette, alouette !
– Vous
êtes une marrante, vous.
– Oui, ça m'arrive des fois.
Et là,
Sissi s'aperçoit qu'Antonin, le briseur de son mariage est plutôt
beau mec.
– Vous
avez retrouvé visage humain ; c'est pas tout à fait encore Cary
Grant, mais presque.
– Merci du
compliment. Vous n'êtes pas mal non plus.
– C'est la couche de fond de teint qui fait tout parce que sinon mon coquard qui passe par toutes les couleurs est encore visible. Je dois quand même vous dire que j'ai été obligée
d'annuler mon mariage et que mon mec n'a pas l'air plus déçu que
ça. Enfin, tout baigne. On peut s'épouser si on veut la fête que
nous voulions offrir à nos invités que le premier samedi de
Septembre. C'est cool non !
– Comment ça ?
– Pour avoir la salle de
réception.
– Mince !
– Vous pouvez dire que
vous m'avez mis dans une sacrée panade.
– Je suis vraiment
confus,
– Bon ! Vous ne
savez toujours pas quand vous sortez ?
– Si, samedi après
midi, ma Mère vient me chercher,
– Ah ! Heureusement
que les parents sont là ! Je repasserai avant que vous partiez
d'ici,
– OK !
– Salut !
– Salut !
Curieusement Sissi quitte
l'hôpital avec le cœur heureux. De retour chez ses parents :
– Maman, il est super
beau.
– Qui ?
– Antonin
-- C'est qui celui-là ?
– Mon tamponneur.
– Oh toi ! Tu ne
serais pas en train de tomber amoureuse ?
– Tu crois ?
– Et Jonathan ?
– Il a appelé ?
– Non.
– Ben alors !
– Je te ferai gentiment
remarquer que j'ai réservé la salle de réception pour le premier samedi de
Septembre.
– Oui, ben d'ici là, y
a encore le temps de réfléchir.
Dit-elle à sa mère avec
un sourire jusqu'aux oreilles et les yeux pétillants, comme ceux de Julia Roberts dans "Coup de foudre à Notthing Hill.
Le samedi suivant, là
voilà repartie à l'hôpital :
Toc ! Toc !
Pas de réponse. Il dort,
pense-t-elle. Toc ! Toc ! Silence radio, elle entre mais
Antonin n'est plus là.
Elle court au
secrétariat :
– Il est sorti hier.
– Ah bon ! Voue
pouvez me donner son adresse ?
– Ah non, je ne peux
pas !
-- Et pourquoi ça ?
– Parce que je n'ai pas
le droit.
– Son numéro de
téléphone peut-être ?
– Vous êtes Sissi ?
– Oui
– J'ai un message pour
vous, et la secrétaire lui temps un papier.
– Merci !
– Allo ! Une voix
de femme répond.
– Est ce que je pourrais
parler à Antonin, s'il vous plaît ?
– De la part de qui ?
– Sissi.
– Chéri, c'est Sissi !
– Allo ! Antonin !
Vous auriez pu me dire que vous étiez marié !
– Mais je ne suis pas
marié.
– Alors, en couple, en
concubinage, pacsé peut-être !
– Pas du tout, c'est ma
mère qui vous a répondu.
– Super ! Tu es
sorti un jour plus tôt ?
– Tiens on se tutoie ?
– Pourquoi pas ! Je
me suis cassé le nez à l'hôpital, mais merci pour le numéro de
téléphone.
– Et ton portable ?
– Cassé dans
l'accident.
– Tu vas bien ?
– Je suis mieux ici que
là-bas.
– Je veux bien te
croire.
– C'est sympa de
m'appeler.
– Tu as bouleversé ma
vie, Antonin, je ne sais plus où j'en suis. J'ai bien envie de tout
annuler, car je ne veux plus épouser un homme qui ne m'a même pas
demandée en mariage.
– Comment ça ?
– En fait, c'est moi qui
ai suggéré le mariage et Jonathan n'a pas dit non. Mais compte tenu
de son attitude assez éloignée après l'accident, je me demande
s'il tient vraiment à moi.
– Tu te fais sûrement
des idées.
– Non, je ne crois pas.
– Excuse moi si j'ai
foutu le bazar.
– Ne t’excuse surtout
pas, je crois que tu as été ma bonne étoile, en quelque sorte,
même si notre rencontre a été loin d'être romantique. Au fait,
j'ai pu me racheter une voiture avec l'argent de ton assurance.
– Pas moi, mes dommages
n'étaient pas assurés.
– Pas de bol ! C'
était pas ton jour. Moralité, ne pas téléphoner quand on conduit.
– C'est pas moi, c'est
ma mère, elle m'appelait pour me souhaiter mon anniversaire.
– Fallait pas répondre !
Je suis méchante mais c'est vraiment pas de chance.
– Repose-toi bien, prend
ton mal en patience.
– Je bouquine, je
regarde la télé, je m'occupe, quoi !
– T'as pas une petite
amie pour te remonter le moral ?
– Je me suis fait
larguer il y a un mois.
– Ah bon !
– Elle est partie
s'installer au Etats-Unis.
– Quelle drôle d'idée !
– Pour le boulot,
toujours le boulot, pour sa carrière.
– Elle serait bien accouplée avec
Jonathan, il est pareil.
– Au fait ! C'est
quoi ton job ?
– Si mon boss ne me fout
pas à la porte, je travaille aux Douanes de Roissy.
– Wow ! Super
boulot !
-- Et toi ?
-- Et toi ?
– Secrétaire dans un
centre médical.
– Chouette boulot
aussi !
– Si on veut.
– C'est quoi ton numéro
de portable ?
Et Sissi, toute heureuse
lui donne son numéro en espérant qu'il l'a rappellera assez vite.
– Maman, il faut que je
prenne une décision.
– Oui, ma Chérie,
laquelle ?
– Je vais rompre avec
Jonathan.
– Je me doutais bien que
cela allait finir comme ça. Du nouveau de l'autre côté ?
– Quel autre côté ?
– Antonin.
– Je ne te parle pas
d'Antonin, je te parle de Jonathan.
– Lui ou l'autre, après
tout ce sont tes affaires.
Et Sissi s'en va voir
Jonathan et lui annonce la rupture. Elle retournera à l'appartement chercher ses
affaires et fera déménager les quelques meubles qu'elle avait
achetés. Elle ressort de chez son ex soulagée et heureuse. Lui, n'a
pas l'air plus touché que ça.
– Allo Sissi !
– Oui.
– Ca va ?
– C'est à toi qu'il
faut demander ça.
– Ca va ; ça
t'ennuie de venir me voir ?
– Pas du tout.
– Neuf rue de Paris,
4ème étage, appart 22 -.
– Ok, j'arrive !
– Maman, va papoter chez
la voisine, s'il te plaît.
– Pourquoi ?
– Je vais avoir de la
visite
– Sissi ?
– Oui.
– Ah, tu t'es enfin
décidé à te retrouver quelqu'un !
– Laisse la porte
ouverte.
Toc ! Toc !
– Entre !
– Salut !
– Salut !
– Tu voulais me voir ?
– Je crois que toi aussi
tu as chamboulé ma vie.
– La faute à qui ?
On devrait remercier ta mère. T'as failli me tuer mais elle, elle a
failli te tuer aussi.
– Tu es jolie comme un
cœur, tu as de l'humour et la pêche, tu es super sympa même quand
tu es en colère.
Sissi craque et embrasse
Antonin.
– Tu es gentil, beau gosse et super
tout plein sinon pourquoi aurais-je rompu avec mon mec.
– Sans blague !
– Oui, c'est fait et je
ne regrette rien, d'autant que lui non plus. Ta mère, sans le savoir
ni le vouloir nous a mis chacun sur nos routes respectives un peu brutalement,
je dois dire, mais si nous n'avions pas été blessés, jamais
peut-être, nous aurions fait plus ample connaissance.
– Ma mère a toujours
été bonne pour moi.
.
.
– Je vois ça !
Bon, c'est pas le tout tout ça, mais c'est que je me demande ce que
je vais faire de ma robe de mariée que je suis allée chercher avant
de rompre. Je vais retourner au magasin voir s'ils veulent me la
reprendre bien qu'elle ait été ajustée à ma taille, et là c'est
pas gagné.
– Demande s'ils peuvent
te l'échanger contre une autre.
– Pourquoi ?
– Parce que je sens que
tu ne veux pas te marier avec un autre dans une robe choisie pour épouser ton ex.
– C'est tout à fait
ça !
– Écoute ! C'est
pas compliqué. Quand je serai en état de me tenir sur mes deux
guibolles sans vaciller, on convolera et on partira à Rome.
– T'es sérieux, là ?
– Oui ! Par contre,
je pense que ma Mère va vouloir mettre son grain de sel dans les
préparatifs.
– Je rigole, car je
crois qu'avec la mienne, ça risque de faire des étincelles,
– Comme pour nous, ma
puce, comme pour nous.
Et voilà comment le
destin a mis Sissi sur la route d'Antonin, ou plutôt comment la mère
d'Antonin a mis son fils sur le chemin de sa Belle. Un coup de foudre après
un fracas de tôles du tonnerre, en plein milieu du croisement de la rue de la
Mairie et de celle de l'Eglise.
2015